Retour

La belle Nivernaise

Alphonse Daudet

BTN Ajouter à une liste
La Belle-NivernaiseHistoire d'un vieux bateau et de son équipageAlphonse Daudet1886Chapitre I - Un coup de tête La rue des Enfants-Rouges, au quartier du Temple.Une rue étroite comme un égout, des ruisseaux stagnants, des flaques de boue noire, des odeurs de moisi et d'eau sale sortant des allées béantes.De chaque côté, des maisons très hautes, avec des fenêtres de casernes, des vitres troubles, sans rideaux, des maisons de journaliers, d'ouvriers en chambre, des hôtels de maçons et des garnis à la nuit.Au rez-de-chaussée, des boutiques. Beaucoup de charcutiers, de marchands de marrons . des boulangeries de gros pain, une boucherie de viandes violettes et jaunes.Pas d'équipages dans la rue, de falbalas, ni de flâneurs sur les trottoirs, -mais des marchands de quatre saisons criant le rebut des Halles, et une bousculade d'ouvriers sortant des fabriques, la blouse roulée sous le bras.C'est le huit du mois, jour ou les pauvres payent leur terme, où les propriétaires, las d'attendre, mettent la misère à la porte.C'est le jour où l'on voit passer dans des carrioles des déménagements de lits de fer et de tables boiteuses, entassés les pieds en l'air, avec les matelas éventrés et la batterie de cuisine.Et pas même une botte de paille pour emballer tous ces pauvres meubles estropiés, douloureux, las de dégringoler les escaliers crasseux et de rouler des greniers aux caves ! La nuit tombe. Un à un les becs de gaz s'allument, reflétés dans les ruisseaux et dans les devantures de boutiques.Le brouillard est froid.Les passants se hâtent.Adossé au comptoir d'un marchand de vin, dans une bonne salle bien chauffée, le père Louveau trinque avec un menuisier de la Villette.Son énorme figure de marinier honnête, toute rougeaude et couturée, s'épanouit dans un large rire qui secoue ses boucles d'oreilles.«Affaire conclue, père Dubac, vous m'achetez mon chargement de bois au prix que j'ai dit.- Topez là.- A votre santé ! - A la vôtre ! »On choque les verres, et le père Louveau boit, la tête renversée, les yeux mi-clos, claquant la langue, pour déguster son vin blanc.Que voulez-vous ! personne n'est parfait, et le faible du père Louveau, c'est le vin blanc. Ce n'est pas que ce soit un ivrogne.- Dieu non ! - La ménagère, qui est une femme de tête, ne tolérerait pas la ribote . mais quand un vit comme le marinier, les pieds dans l'eau, le crâne au soleil, il faut bien avaler un verre de temps en temps.Et le père Louveau, de plus en plus gai, sourit au comptoir de zinc qu'il aperçoit au travers d'un brouillard et qui le fait songer à la pile d'écus qu'il empochera demain en livrant son bois. Une dernière poignée de main, un dernier petit verre et l'on se sépare.«A demain, sans faute ? - Comptez sur moi.»Pour sûr il ne manquera pas le rendez-

Nombre de pages : 58

Date de publication :

Éditeur : Audiocité

Le studio Littérature

De la même thématique Littérature

Du même auteur Alphonse Daudet