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Le Petit Vieux des Batignolles

Emile Gaboriau

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Émile GaboriauLE PETIT VIEUX DES BATIGNOLLES(1876)ILorsque j'achevais mes études pour devenir officier de santé – c'était le bon temps, j'avais vingt-trois ans – je demeurais rue Monsieur-le-Prince, presque au coin de la rue Racine.J'avais là, pour trente francs par mois, service compris, une chambre meublée qui en vaudrait bien cent aujourd'hui . si vaste que je passais très aisément les manches de mon paletot sans ouvrir la fenêtre.Sortant de bon matin pour suivre les visites de mon hôpital, rentrant fort tard parce que le café Leroy avait pour moi d'irrésistibles attraits, c'est à peine si je connaissais de vue les locataires de ma maison, gens paisibles tous, rentiers ou petits commerçants.Il en est un, cependant, avec qui, peu à peu, je finis par me lier.C'était un homme de taille moyenne, à physionomie insignifiante, toujours scrupuleusement rasé, et qu'on appelait, gros comme le bras, monsieur Méchinet.Le portier le traitait avec une considération toute particulière, et ne manquait jamais, quand il passait devant sa loge, de retirer vivement sa casquette.L'appartement de monsieur Méchinet ouvrant sur mon palier, juste en face de la porte de ma chambre, nous nous étions à diverses reprises trouvés nez à nez. En ces occasions, nous avions l'habitude de nous saluer.Un soir, il entra chez moi me demander quelques allumettes . une nuit, je lui empruntai du tabac . un matin, il nous arriva de sortir en même temps et de marcher côte à côte un bout de chemin en causant…Telles furent nos premières relations.Sans être ni curieux ni défiant – on ne l'est pas à l'âge que j'avais alors – on aime à savoir à quoi s'en tenir sur le compte des gens avec lesquels on se lie.J'en vins donc naturellement, non pas à observer l'existence de mon voisin, mais à m'occuper de ses faits et gestes.Il était marié, et madame Caroline Méchinet, blonde et blanche, petite, rieuse et dodue, paraissait adorer son mari.Mais la conduite de ce mari n'en était pas plus régulière. Fréquemment il décampait avant le jour et souvent le soleil était levé quand je l'entendais regagner son domicile. Parfois il disparaissait des semaines entières…Que la jolie petite madame Méchinet tolérât cela, voilà ce que je ne pouvais concevoir.Intrigué, je pensai que notre portier, bavard d'ordinaire comme une pie, me donnerait quelques éclaircissements.Erreur !… À peine avais-je prononcé le nom de Méchinet qu'il m'envoya promener de la belle façon, me disant, en roulant de gros yeux, qu'il n'était pas dans ses habitudes de « moucharder » ses locataires.Cet accueil redoubla si bien ma curiosité que, bannissant toute vergogne, je m'attachai à épier mon voisin.Alors, je découvris des choses qui me parurent énormes.Une fois, je le vis rentrer habi

Nombre de pages : 58

Date de publication :

Éditeur : Audiocité

Le studio Littérature

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