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L'Homme qui a vu le diable

Gaston Leroux

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Gaston LEROUX [1868 - 1927] est surtout connu pour ses romans policiers empreints d'humour et de fantastique. L'Homme qui a vu le Diable a été publié en 1908. L'Homme qui a vu le diableparGaston LerouxLe coup de tonnerre fut si violent que nous pensâmes que le coin de forêt poussant au-dessus de nos têtes avait été foudroyé et que la voûte de la caverne allait être fendue, comme d'un coup de hache, par le géant de la tempête. Au fond de l'antre, nos mains se saisirent, s'étreignirent dans cette obscurité préhistorique, et l'on entendit le gémissement des marcassins que nous venions de faire prisonniers. La porte de lumière, qui, jusqu'alors, avait signalé l'entrée de la grotte naturelle où nous nous étions tapis comme des bêtes, s'éteignit à nos yeux, non point que l'on fût à la fin du jour, mais le ciel se soulageait d'un si lourd fardeau de pluie qu'il semblait avoir étouffé pour toujours, sous ce poids liquide, le soleil. Il y avait maintenant au fond de l'antre un silence aussi profond que cette nuit soudaine. Les marcassins s'étaient tus sous la botte de Makoko. Makoko était un de nos camarades, que nous appelions ainsi à cause d'une laideur idéale et sublime qui, avec le front de Verlaine et la mâchoire de Troppmann, le ramenait à la splendeur première de l'Homme des Bois. Ce fut lui qui se décida à traduire tout haut notre pensée à tous les quatre, car nous étions quatre qui avions fui la tempête, sous la terre : Mathis, Allan, Makoko et moi.- Si le gentilhomme ne nous donne pas l'hospitalité ce soir, il nous faudra coucher ici... A ce moment, le vent s'éleva avec une telle fureur qu'il sembla secouer la base même de la montagne et faire trembler tout le Jura sous nos pieds. Dans le même temps, il nous parut qu'une main soulevait le rideau de pluie opaque qui obstruait l'entrée de la caverne, et une figure étrange surgit devant nous, dans un rayon vert. Makoko m'étreignit le bras :- Le voilà ! dit-il. Je le regardai. Ainsi, c'était celui-là que l'on appelait le gentilhomme. Il était grand, maigre, osseux et triste. La pénombre fantastique, le décor exceptionnel dans lequel il nous apparaissait, contribuaient même à le rendre funèbre. Il ne se préoccupait point de nous, ignorant certainement notre présence. Il était resté debout, appuyé sur son fusil, à l'entrée de la grotte, dans le rayon vert. Nous le voyions de profil : un nez fort, aquilin, un nez d'oiseau de proie, une maigre moustache, une bouche amère, un regard éteint. Il était nu-tête . son crâne était pauvre de cheveux, quelques mèches grises tombaient derrière l'oreille. On n'aurait pu dire exactement l'âge de cet homme . il pouvait avoir entre quarante et soixante ans. Il était habillé d'un vieux complet de velours marron fort usé et avait de grandes bottes qui lui montaient à mi-cuisses. Mon regard, en descendant le

Nombre de pages : 53

Date de publication :

Éditeur : Audiocité

Le studio Littérature

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